
Pourquoi les Papes changent-ils de nom ? Une tradition chargée de sens et de mission
CITÉ DU VATICAN - Dès son élection, le nouveau successeur de Pierre fait face à sa première décision publique : le choix de son nom pontifical.Ainsi le Cardinal Robert François Provost a opté pour Leon XIV Une tradition bien établie qui, à l'instar du premier des apôtres renommé par le Christ, revêt une signification profonde liée à sa mission à la tête de l'Église catholique.
Par Gabriel William
La procédure est codifiée. Une fois son acceptation à la charge suprême prononcée, le cardinal nouvellement élu se voit poser la question rituelle par le plus ancien des cardinaux : « Comment veux-tu être appelé ? » S'ensuit le choix d'un prénom, parfois accompagné d'un numéro d'ordre pour distinguer le nouveau pontife de ses prédécesseurs portant le même nom. L'annonce officielle au monde se fait ensuite depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre, où le cardinal protodiacre proclame le nom de baptême et le nom de famille de l'élu, suivi de son nom de règne pontifical.
L’origine de cette coutume remonte au VIe siècle. L’histoire retient notamment l’élection, en 533, d’un homme du nom de Mercure au siège épiscopal de Rome. Jugeant son nom de naissance trop “païen”, il choisit le nom de Jean II. Cet acte fondateur a posé les jalons d’une tradition qui s’est perpétuée à travers les âges.
Plusieurs motivations sous-tendent ce changement d'identité. Premièrement, l'adoption d'un nouveau nom peut symboliser une rupture avec le passé personnel de l'élu. En se choisissant un nouveau patronyme, le pape signifie son entrée dans une nouvelle dimension, celle de guide spirituel de l'Église catholique et successeur de l'apôtre Pierre.
Deuxièmement, le choix du nom pontifical est souvent un hommage rendu à un saint patron ou à un prédécesseur marquant c'est le Cas de Leon XIV qui a confié ce matin voiloir par son nom faire reférence à Leon XIII . Si le changement de nom n'a pas toujours été systématique chez les évêques de Rome, la pratique s'est ancrée au Xe siècle. L'histoire retient notamment le cas de Mercurius, un prêtre devenu le pape Jean II (533-535), dont le nom à consonance païenne fut abandonné. C'est véritablement à partir de 955, avec l'accession d'Octavien qui prit le nom de Jean XII, que l'usage s'est consolidé : depuis lors, seuls deux papes ont conservé leur nom de baptême.
Une symbolique biblique puissante
Cette tradition perdure en raison de sa forte charge symbolique, profondément enracinée dans les Écritures. Dans la Bible, le nom révèle l'essence d'une personne ou d'une chose, voire sa destinée. L'Ancien Testament regorge d'exemples, comme Abram renommé Abraham, figure du père d'une multitude de nations (Genèse 17, 5).
Le Nouveau Testament offre un éclairage crucial avec l'épisode où le Christ lui-même donne un nouveau nom à Simon : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Matthieu 16, 18). Cette nomination souligne le rôle fondamental de Pierre comme fondation de l'Église.
Le parallèle avec la papauté est frappant. En devenant pape, l'évêque succède non seulement à son prédécesseur immédiat, mais avant tout à l'apôtre Pierre, héritant de la mission que le Christ lui a confiée. D'une certaine manière, chaque pape incarne une continuité avec Pierre, sans qu'il soit nécessaire de se nommer "Pierre II", une appellation qui pourrait sembler s'approprier la mission du premier apôtre au détriment des autres successeurs.
Continuité et message spirituel à travers les noms
Sur les 266 papes recensés, 131 ont opté pour un nouveau nom, souvent en reprenant celui d'un prédécesseur illustre, créant ainsi des "séries" comme les 23 papes Jean, les 12 Pie ou les 15 Grégoire. Ces reprises, à l'instar des saisons d'une série télévisée, affirment une forme de continuité dans l'histoire de l'Église.
Les choix récents illustrent cette dimension significative. Benoît XVI expliqua son choix en hommage à Benoît XV, artisan de paix durant la Première Guerre mondiale, et en référence à la spiritualité bénédictine. Paul VI renoua avec un nom peu usité depuis le XVIe siècle, s'inscrivant dans le sillage de l'apôtre Paul par ses nombreux voyages missionnaires. Jean-Paul Ier exprima à travers son double nom la volonté de poursuivre l'œuvre de Vatican II initiée par Jean XXIII et Paul VI. Jean-Paul II, son successeur, incarna cette intention durant son long pontificat.
Quant au pape François, son choix, inspiré par le saint d'Assise, a immédiatement révélé une priorité pour les plus démunis, un appel à la fraternité universelle, l'urgence de la mission et le soin de la création. Un nom qui, selon toute vraisemblance, a guidé son pontificat.
Ainsi, le changement de nom des papes est bien plus qu'une simple tradition. C'est un acte profondément symbolique qui marque l'entrée dans une nouvelle mission, souvent enracinée dans l'histoire biblique et ecclésiale, et qui peut révéler les orientations spirituelles du nouveau pasteur de l'Église universelle.